Un chalet isolé au bord d'un lac

Tendances

Et si nous n’avions pas besoin des villes ?

Reading time:  5 Minutes

Avec l’augmentation de la super-connectivité et le nombre croissant de personnes chassées des villes du monde pour des raisons financières, il est possible que nous puissions bientôt vivre et travailler n’importe où. La futurologue Sabrina Faramarzi s’exprime à ce sujet

 

Imaginez ceci : vous vivez dans un beau chalet, dans une ville pittoresque et tranquille, près d’un beau lac, ou peut-être à la montagne ou encore sur une plage. Votre trajet pour aller travailler n’est plus ce moment stressant, où vous devez jouer des coudes en pleine heure de pointe, mais plutôt une marche agréable de 16 minutes. À la fin de la journée, vous arrivez à la maison à temps pour passer la soirée avec votre famille et vos amis, ou peut-être pour vous consacrer à votre hobby préféré. Vous avez atteint cette chose qui est des plus rares : l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

Non, vous n’êtes pas à la retraite, vous n’êtes pas au chômage, votre entreprise n’a pas déménagé et vous n’avez pas été rétrogradé. Vous vivez en fait dans un monde où le travail réellement flexible est devenu la norme. Le smog et la sueur de la ville, si longtemps considérée comme étant le seul endroit où mener des affaires, appartiennent désormais au passé, et vous vous posez la question suivante : pourquoi ne l’avons-nous pas fait plus tôt ?

Autrefois pour réussir sa carrière (ou n’importe quelle carrière dans certains secteurs), il fallait vivre et travailler dans une ville, souvent la capitale. Mais, alors que la révolution du travail flexible se met en place, les travailleurs remettent en question ce statut quo. Pourquoi aller s’entasser dans les villes alors que tout un monde est à disposition ?

La folie des mégapoles

Revenons à la réalité un instant. Selon les Nations Unies, d’ici 2030, les deux tiers de la population mondiale vivront dans les villes(1). En fait, d’ici 2030, il est probable que ce seront des mégapoles, car elles comporteront plus de 10 millions d’habitants. En 2017, il existait déjà 47 mégapoles, les plus grandes étant les zones métropolitaines de Tokyo, Shanghai et Jakarta(2).

Et avec ces mégapoles, viennent leur cortège de problèmes. Tandis que les possibilités accrues de travail attirent les gens, la lutte pour des logements abordables prend de l’ampleur. Les travailleurs ont le choix entre un logement de mauvaise qualité dans une ville chère ou devenir un « super navetteur » vivant au-delà des limites de la ville et voyager pendant 90 minutes ou plus pour aller travailler chaque jour(3).

Nombreuses recherches montrent les conséquences néfastes de ces deux options pour un individu, une entreprise et la société en général. Cela laisse entrevoir un avenir potentiellement morose pour les travailleurs et les sociétés du monde entier.

Et s’il y avait une alternative ?

Villes secondaires et satellites

Il est important de reconnaître que les prévisions concernant la croissance des mégapoles et l’urbanisation croissante dans le monde ne sont rien d’autre que cela : des prévisions fondées sur les habitudes et les ressources actuelles. Mais ça ne doit pas nécessairement être comme cela. En effet, les difficultés inhérentes aux mégapoles obligent déjà les entreprises à repenser leur stratégie. Et, par conséquent, un avenir plus positif et démocratique du travail est en train d’émerger.

Une réponse a été un regain d’intérêt pour les villes satellites, ce qui n’est pas seulement une option de second ordre, mais plutôt une alternative aux difficultés que les mégapoles imposent actuellement aux personnes et aux entreprises.

Les villes satellites sont des villes plus petites, situées juste à l’extérieur des grandes villes. Ce concept urbanistique est utilisé pour les différencier des banlieues. Au lieu d’un étalement urbain, les villes satellites offrent aux entreprises la possibilité de tirer parti de meilleurs environnements de travail et d’employés régénérés, libérés des longs trajets.

Une autre option est la « ville secondaire », généralement la deuxième plus grande ville après la capitale. Celles-ci se développent en tant que points chauds pour les représentants avertis de la génération Y et les travailleurs à distance, qui apprécient le bourdonnement et le rythme de vie des grandes villes, mais sans l’augmentation de coût associée.

En Europe, des villes comme Porto au Portugal et Göteborg en Suède connaissent un afflux d’entreprises et de travailleurs qui cherchent à tirer parti de leur infrastructure établie et de la promesse d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Le fait qu’Aarhus au Danemark (surnommée la nouvelle Copenhague) ait été couronnée capitale européenne de la culture en 2017, démontre que les arts (souvent une raison pour les gens de visiter les villes) pourraient être répartis plus uniformément afin de mieux servir les autres communautés.

Une ville animée la nuit

Les jours des mégapoles sont peut-être comptés

 

La connectivité en lieu en place du compromis

Pourtant, alors que les villes satellites et les villes secondaires offrent actuellement une alternative intéressante aux mégapoles, elles risquent de subir le même sort. Alors quoi ? Avons-nous donc un quelconque besoin de nous réunir dans des centres ?

Dans son ouvrage Connectography, Parag Khanna décrit un avenir de la civilisation mondiale basé sur l’essence de la connectivité. « La connectivité, et non la souveraineté, est devenue le principe organisateur de l’espèce humaine », soutient-il à l’occasion d’une conférence TED en 2016(4). « Nous devenons un réseau mondial de la civilisation parce que nous le construisons littéralement. »

Il a raison. Le monde est aujourd’hui plus connecté qu’il ne l’a jamais été, en termes non seulement de communications, mais aussi de puissances et de ressources mondiales interdépendantes. En acceptant l’idée de la ville comme seule voie d’avenir pour les entreprises mondiales et les travailleurs qualifiés, nous avons été aveugles aux opportunités extérieures à celle-ci.

Grâce à la montée du travail flexible et des technologies qui le soutiennent, nous avons pu commencer à déstabiliser la position exaltée de la ville. Le cloud et la 5G révolutionnent Internet et les télécommunications, ce qui signifie que nous pouvons travailler à partir de presque n’importe quel endroit dans le monde.

Reprogrammation de la société

C’est une vision d’un avenir prometteur. À quel point nos entreprises seraient-elles plus performantes si nous pouvions sélectionner des talents parmi un groupe de personnes au-delà de notre code postal immédiat ? À quel point nos routes seraient-elles différentes sans la multitude de navetteurs quotidiens ? À quel point notre air serait-il plus propre ? À quel point serions-nous plus heureux en tant que travailleurs ?

En repensant l’endroit où nous travaillons, nous pourrions reprogrammer la société. Travailler près de chez nous dans nos communautés locales pourrait nous donner l’occasion de faire du bénévolat, de passer plus de temps de qualité avec nos familles, de renouer avec nos amis et d’apprendre à connaître les gens de notre communauté.

Et avec la distribution des populations entre les pays, la richesse pourrait également être répartie de façon plus uniforme, transformant ainsi la façon dont les services publics, y compris la police et les soins de santé, sont financés et dont ils sont au service de la communauté.

Cela peut paraître idéaliste, mais ce n’est pas irréaliste. Le travail flexible rend cette démocratisation du travail et ces opportunités plus concrètes que jamais. À portée de main se trouve un monde où les logements sont abordables, vos trajets sont un plaisir (court), votre vie professionnelle et votre vie privée sont en équilibre, et vous, votre famille et votre communauté, vous portez mieux que jamais. Parce que, tant que vous êtes connecté, peu importe l’endroit où vous travaillez.

 


Sabrina Faramarzi est une futurologue, journaliste et spécialiste des tendances basée au Royaume-Uni

Sources :

(1) https://apnews.com/40b530ac84ab4931874e1f7efb4f1a22

(2) https://en.wikipedia.org/wiki/Megacity

(3) http://www.pewtrusts.org/en/research-and-analysis/blogs/stateline/2017/06/05/in-most-states-a-spike-in-super-commuters

(4) https://youtu.be/i_y5gbEQPvw